15 éléments-clés à connaître pour s’initier au saké

Texte et photos: Jean-Gabriel Vigneault

Texte et photos: Jean-Gabriel Vigneault

 

C’est bien normal de se sentir désorienté lorsqu'on commence à s'intéresser à l’univers complexe et varié du saké. Il suffit de maîtriser quelques concepts de base afin d'explorer cette boisson qui gagne à être connue. Alors, par où débuter? Par ici! Voici 15 éléments-clés pour s'initier au saké.


 

1.

En japonais, saké est un terme générique utilisé pour désigner les boissons contenant de l’alcool. Au Japon, le saké est plutôt connu sous le nom de nihonshu日本酒 - «alcool du Japon» ou sous son nom officiel seishu清酒 - «alcool clair».

 

2.

Le saké est une boisson alcoolisée brassée et non pas distillée obtenue à partir de rizvoir élément #3 poli et cuit à la vapeur, de koji voir élément #4, de levures, d’eau ainsi que d’autres additifsvoir élément #5.

 

3.

Le riz est poli afin de retirer les composantesprotéines, lipides, minéraux et vitamines des couches externes du grain, qui si elles étaient fermentées, amèneraient des saveurs non désirées au saké.

 

4.

Puisque le riz est un grain, on doit transformer l’amidon qu’il contient en sucre fermentescible avant de pouvoir débuter la fermentation alcoolique. Cependant, lorsque le riz est poli, on retire la partie du grain contenant les enzymes permettant la conversion de l’amidon. Ainsi, suivant la cuisson vapeur du riz, une certaine quantité est réservée pour faire du koji. On obtient du koji en inoculant des spores de champignonsaspergillus oryzae - koji-kin sur ce riz. Les champignons microscopiques vont sécréter des enzymes transformant le riz en koji. Ce dernier est ensuite ajouté au riz poli et aux levures afin de permettre la fermentation alcoolique; processus qui se déroulera en parallèle du travail des enzymes pour transformer l’amidon. Cette méthode de brassage permet d’atteindre un degré d’alcool se situant entre 17 % à 20 % en fin de fermentation.

Koji

Koji

 

5.

Il existe deux grandes familles: les sakés de table, dits futsu-shu et les sakés premiums, dits tokutei meishō-shu. Ce qui les distingue, ce sont notamment les ingrédients qui les composent. Pour les tokutei meishō-shu, les seuls ingrédients autorisés sont le riz, le koji, les levures, l’eau et l’alcool distilléjōzō arukōru. Quant aux futsu-shu, il est permis d’ajouter des sucrants, des acidifiants et des acides aminés.

 

6.

Les tokutei meishō-shu sont subdivisés en deux catégories: les junmai et les aruten. Un saké junmai «riz pur» ne contient pas d’alcool distillé, contrairement aux sakés arutenarukōru-tenka - «addition d’alcool».

 

7.

Cette classification est encore une fois subdivisée par degré de polissage, seimaibuai en japonais. Ainsi, un seimaibuai de 80 % signifie que l’on a retiré 20 % du grain de riz. Un degré de polissage de 60 % ou moins sera qualifié de ginjō. Si le seimaibuai est de 50 % ou en deçà, le saké sera classifié comme un daiginjō.

Exemples:

- Junmai avec seimaibuai de 45% = Junmai daiginjō

- Junmai avec seimaibuai de 70% = Junmai

- Aruten avec seimaibuai de 55% = Ginjō

 

8.

Il existe finalement deux autres types de tokutei meishō-shu : les honjōzō et les tokubetsu. Un honjōzō est un aruten avec un seimaibuai de 70 % ou moins. Tokubetsu est un terme plus rarement utilisé. Un saké pourra être qualifié de Tokubetsu junmai ou de Tokubetsu honjōzō s'il répond à un des trois critères suivants : le seimaibuai est de 60 % ou moins, un type de riz spécifique a été utilisé, un procédé légalement reconnu a été employé dans l'élaboration du saké.
 

9.

Pour ce qui est des saveurs et des arômes, il s'avère plus simple d’expliquer en termes de ginjō versus non-ginjō. Les sakés ginjōOn parle ici de junmai ginjō, ginjō, junmai daiginjō, daiginjō. révèlent généralement des notes fraîches et florales de melon, de banane, de pomme verte, de gomme balloune. Ces arômes sont dus principalement aux esters résultant du travail des levures. Les sakés qui ne sont pas ginjōOn parle ici de junmai et de honjōzō. ont tendance à exprimer davantage un côté céréalier avec des notes de son de riz, de pain aux bananes, de miel, de figues ou de dattes.

 

10.

De façon générale, les ginjō seront habituellement servis frais6-13°C tandis que les non-ginjō seront servis frais, à température pièce15-18°C ou chauds30-55°C. Il est à noter que la température de service n’est pas du tout corrélée à la qualité du saké, tout comme un champagne délicat servi frais n’est pas de meilleure qualité qu’un rouge capiteux dégusté presque à température pièce.
 

11.

Il existe plusieurs variations au processus de fabrication du saké qui influencent le style et l’appellation. Contrairement au jus de raisin, le riz ne possède pas d’acidité ou de tannins lui permettant de se prémunir contre les microorganismes indésirables. Afin d’assurer une fermentation «propre», il est nécessaire de faire un pied de cuvemoto / shubo pour cultiver une population assez importante de levures en vue de commencer la fermentation principalemoromi. La technique la plus largement répandue est celle du sokujō, qui consiste simplement à faire un ajout d’acide lactique. Une technique plus traditionnelle est celle du kimoto. Il s’agit de moudre à sec du riz et du koji à l’aide de pôles, un procédé que l'on nomme yama-oroshi, afin de créer un environnement favorable au développement de bactéries lactiques naturellement présentes. Le yamahai est une variation du kimoto qui ne nécessite pas de yama-oroshi. Les tenants du saké moins interventionniste favorisent l’emploi des deux dernières méthodes car elles ne nécessitent pas d’intrants additionnels.

Masaru Honke démontrant le yama-oroshi, tout en entonnant un chant traditionnel.

Masaru Honke démontrant le yama-oroshi, tout en entonnant un chant traditionnel.

 

12.

Tous les sakés sont filtrés. Cependant, ils peuvent l’être avec des filtres plus ou moins larges. Les nigori sont des sakés qui contiennent des dépôts. La quantité de dépôts varie en fonction du style de nigori.
 

13.

Suite à la filtration, l’eau est le seul ajout possible. La grande majorité des sakés reçoivent une addition d’eau pour abaisser leur taux d’alcool autour de 15 % à 17 %. En absence d’ajout d’eau, il s’agira d’un genshu. La plupart des sakés sont aussi collés au charbon actif pour clarifier le produit fini. Si le saké n’est pas collé, il s’agira d’un muroka.

Yabuta-shibori chez Masumi. Cette méthode de filtration moderne est la plus répandue.

Yabuta-shibori chez Masumi. Cette méthode de filtration moderne est la plus répandue.

 

14.

Compte tenu de leur activité microbienne élevée, même suite à la filtration, les sakés sont normalement pasteurisés deux fois, soit avant l’entreposagecommunément durant une période de 6 mois et avant de quitter la brasserie. Certains ne sont pasteurisés qu’à une seule reprise. On les qualifie alors de nama-chozō ou nama-zume, tout dépendant à quelle étape ils ont été pasteurisés. Une minorité n’est pas pasteurisée, on les appelle les nama ou nama-zake. Les sakés moins interventionnistes sont souvent muroka, nama et genshu.
 

15.

Le concept de terroir est une notion complexe et ambigüe lorsqu’on traite de saké. La provenance de l’eau et son contenu en minéraux y jouent un rôle de premier plan. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le riz est moins intimement lié au concept de terroir, puisqu’il est rarement cultivé par la brasserie et plus souvent acheté. Le Yamada-Nishiki est le type de riz à sakéshuzō kōteki mai le plus planté et le plus utilisé.

 

JG vigneault.jpg

Jean-Gabriel travaillait initialement comme avocat en finances. S’en est suivie une reconversion vers le monde du vin, soit en intelligence d’affaires dans une agence pancanadienne d’importation. Son enthousiasme pour le champagne de vignerons I’a amené à quitter le monde corporatif (un autre 🙄) pour effectuer un stage chez Champagne Laherte Frères. Il détient les certifications WSET 3 tant en vins qu’en saké (son autre grand champ d’intérêt autre que la pizza).

Pour le suivre: @justedujus